Opérateur scan 3D mobile

Exploiter le BIM pour la Gestion Exploitation et la Maintenance de son patrimoine [Partie 1]

Les gestionnaires de patrimoine font face à de nombreux enjeux économiques et techniques dans le management de leur patrimoine. Comment le BIM peut être un élément de réponse à ces problématiques ?

Hugo Sibué
Benjamin Mehamedi
10 juin 2020
Pictogramme
Usage

De manière générale, la phase d’exploitation d’un bâtiment est un chemin semé d’embûches dans la récupération, le traitement et le maintien à jour des données d’informations liées au bâtiment. Aujourd’hui, de plus en plus d’acteurs publics ou privés ont conscience de l’importance de la donnée de gestion patrimoniale. En effet, lorsque l’on sait que 70 à 80% du coût du cycle de vie global d’un ouvrage concerne la phase d’exploitation, les maîtres d’ouvrage ont tout intérêt à mettre en place une stratégie de management de la donnée efficiente couplée aux nouvelles technologies de l’innovation telle que le BIM. Nous aborderons donc dans cette première partie les différents moyens de structurer et d’échanger les données liées à la maquette BIM, afin que celles-ci soient mises à disposition des différents acteurs de la gestion du bâtiment. Dans la seconde partie de cet article, nous présenterons différents cas d’usage de la maquette BIM associés à l’exploitation et la maintenance des bâtiments.

FM, AM, PM et BIM quesaco ?

Avant d’entrer dans le vif du sujet et de comprendre quels sont les atouts d’une démarche BIM en gestion/exploitation/maintenance pour les bâtiments, il est important de préciser trois notions que sont :

  • le facility management ou gestion des services généraux ;
  • le property management ou gestion du patrimoine ;
  • l’asset management ou gestion des actifs.

Facility management (FM)

D’après l’IFMA (international facility management association), le facility management est une profession qui regroupe de nombreuses disciplines et, qui a pour but d’assurer le fonctionnement optimal, la sécurité et le confort de l’environnement bâti tout en intégrant les process, les technologies et les occupants du bâtiment. Ainsi, le facility management est un terme générique qui englobe à la fois l’exploitation et maintenance qui est de plus en plus identifié comme un axe de création de valeur pour les entreprises, comme nous l’expliquions dans cet article.

Asset management (AM)

L’asset management, ou gestion d’actifs, est en charge de la stratégie d’acquisition et de revente des biens d’un patrimoine immobilier en vue d’optimiser la valorisation de celui-ci. L’asset manager, responsable d’un portefeuille de biens et décisionnaire des investissements, évalue donc les opportunités de gains d’un investissement immobilier et les confrontent aux risques qui en découlent.

Property management (PM)

Le property management concerne la gestion opérationnelle quotidienne d’un parc immobilier (baux, travaux, gestion locative, gestion des urgences liées aux bâtiment, etc). Il est ainsi un gérant de bien ayant un spectre d’action assez large, ce qui nécessite d’avoir des compétences diverses, telles que juridiques, administratives, financières ou même techniques.

Schema property management

BIM

Nous avons abordé la notion de BIM (pour Building Information Modeling) dans différents articles, en abordant notamment comment définir son niveau de détail géométrique (LOD) en fonction de son besoin, ou comment exploiter celle-ci dans le cadre d’un projet de mise en accessibilité. Nous voulons ici rappeler une brève définition afin de donner à nos lecteurs le même niveau de compréhension sur les éléments suivants. Pour nous, la maquette numérique du bâtiment est composée de trois éléments indissociables :

  • une maquette 3D ;
  • une base de données organisée des informations de l’ouvrage ;
  • un mode de gestion de projet.

Comment adopter une démarche BIM pour son patrimoine bâti ?

La principale difficulté, lorsqu’une démarche de gestion technique patrimoniale veut être mise en place concerne l’acquisition et le maintien à jour des données de gestion, d’exploitation et de maintenance. Le problème est encore plus important lors du déploiement d’une démarche de facility management BIM sur un patrimoine existant non conçu en BIM. Cela s’explique par le manque de structure du DOE (Dossier des Ouvrages Exécutés) transmis au Facility Manager et qui lui sera nécessaire lors de la planification de futurs travaux et aménagements. Ce document contractuel établi suite à l’exécution de travaux et remis au maître d’ouvrage lors de la livraison du chantier contient un grand nombre d’information et de document (plans, fiches techniques, photos, etc.) venant d’une multitude de parties prenantes qui sont par conséquent difficiles à organiser.

Définir les besoins de l’exploitation/maintenance dès la conception

Avec l’arrivée du BIM dans les projets de construction, les efforts de production sont déplacés dans le temps. En effet, sur un projet « traditionnel », nous avions tendance à considérer que les efforts étaient maximaux en phase d’exécution de travaux (synthèse, production de plans, réévaluation de notes de calculs, etc.). Aujourd’hui, la production est optimale en phase conception, l’objectif est clair : il faut réduire les surcoûts qui apparaissent lors de la réalisation des travaux et éviter de faire le travail en plusieurs fois. Pour se faire, tous les acteurs gravitant autour du bâtiment doivent être intégrés dès le début, et notamment les facility managers qui doivent définir leurs besoins et livrables, ce qui n’est pas toujours le cas.

Courbe de McLeamy

Vous l’avez compris, de nombreux acteurs comme les architectes, les géomètres, les bureaux d’études ou les entreprises de travaux et de maintenance interviennent autour d’une maquette numérique et le plus souvent avec des logiciels métiers qui leur sont propres : solutions de CAO, outils de GMAO ou de GTB intégrés à la maquette BIM par exemple. Une fois cette première phase de définition des besoins et de structuration de la démarche BIM réalisée, comment s’assurer par la suite du bon échange et de la bonne mise à jour de ces données au fur et à mesure de l’avancement du projet entre tous les intervenants ?

Faciliter l’échange des données

Utiliser le format IFC

IFC est un standard normalisé (ISO/PAS 16739) ouvert (non-propriétaire) dont l’acronyme signifie Industry Foundation Classes. Il utilise la structure STEP (standard pour l’échange de données de produit, ISO 1030321). L’utilisation de ce format permet de structurer, organiser et hiérarchiser les informations, ceci afin de faciliter l’interopérabilité des maquettes numériques dans tous les différents logiciels BIM du marché.

Formaliser les échanges grâce au format COBie

COBie est l’acronyme d’un standard international qui signifie : « Construction Opérations Building Information Exchange ». Cette structure permet de gérer les échanges de données non-graphiques nécessaires au facility manager pour gérer la maintenance et l’exploitation d’un bâtiment tout au long de son cycle de vie.Ce standard se présente sous la forme d’un tableau Excel comprenant plusieurs onglets parmi lesquels :

  • COBie Facility : paramètres du projet utilisé dans la modélisation ;
  • COBie Floor : informations des niveaux verticaux du projet ;
  • COBie space : information sur les espaces ;
  • etc.

Classifier ses données

De nombreuses classifications existent et permettent de trier les données. Cette étape est essentielle pour optimiser la recherche et donc la mise à jour des informations tout au long du cycle de vie d’une maquette BIM. Il existe aujourd’hui deux principales classification : Omniclass et Uniclass.

Ces classifications permettent d’homogénéiser le vocabulaire entre les acteurs concernant le nom des éléments constituant la maquette.

Ces formats et classification sont les éléments principaux pour s’assurer d’une définition claire des éléments constituants la maquette (classification de données), d’un échange fluide entre tous les acteurs et leurs différents logiciels métiers en phase conception et de construction (IFC) ainsi que d’une passerelle exhaustive vers l’exploitation et la maintenance (COBie). Cependant, lorsque l’on s’intéresse à de l’existant, s’assurer de la récupération et de la mise à jour des informations tout au long du cycle de vie du bâtiment est la phase pouvant être critique.

Avoir des informations fiables et à jour

L’importance de l’information dans le modèle BIM

Comme nous l’avons précisé par ailleurs, aujourd’hui avec la création de projet en BIM, l’effort de travail ne se situe plus lors de l’exécution des travaux, mais en phase programmation et conception. Les informations sont alors mieux définies et acquises tout au long du projet. Mais qu’en est-il pour les projets existants ? Comment relever, fiabiliser et transmettre les bonnes informations aux bons intervenants ?

Pendant la phase de conception, le modèle BIM en cours d’utilisation sert notamment à définir les formes, les espaces, les objets génériques comme les fenêtres et les systèmes techniques. La progression de la phase de conception vers la phase d’exécution vient s’enrichir de données concernant les matériaux, les détails et particularités des espaces, ainsi que l’ensemble des équipements du projet. Les données « constructeur » sont ainsi renseignées dans cette phase. La dernière phase d’exploitation et de maintenance contient une quantité d’informations considérable pour un ratio moindre de graphiques.

Sur un bâtiment existant il s’agit alors de produire la maquette BIM « As-built ». La première étape est alors d’effectuer un relevé 3D du bâtiment (géométrie, équipements techniques, composition structurelle, …) ceci afin d’obtenir une image précise du patrimoine à gérer. Traditionnellement ce relevé est effectué sur site avec un mètre, un lasermètre et des plans de recollement. Aujourd’hui il est possible d’utiliser un scan 3D de l’ensemble du bâtiment qui va alors servir de calque à la modélisation BIM. Ce relevé 3D peut être enrichi de plusieurs types d’informations comme des photos 360°, une notice technique, des annotations manuelles, etc.

L’objectif sera alors de reproduire le plus fidèlement la réalité tout en sachant qu’un modèle BIM peut « déformer » celle-ci. Par exemple, un mur ou un sol peut être modélisé de manière rectiligne sans prendre en compte les fissures ou déformations apparues dans le temps si la demande du porteur de projet n’inclut pas un niveau de détail suffisamment élevé.

La maquette numérique, un support ouvrant sur une multitude de cas d’usage

Vous l’aurez compris, l’un des principaux challenges identifiés dans la mise en place du BIM pour la Gestion Exploitation Maintenance concerne l’acquisition, la structuration et le maintien à jour des données. Il est primordial d’intégrer, si possible dès la phase de conception, les attentes et les besoins du facility manager, afin de s’assurer de la bonne prise en compte de ceux-ci par tous les acteurs interagissant avec la maquette numérique. Ainsi, la maquette BIM pourra être pleinement exploitée et ce, dans des cas d’usage pouvant être très variés. Nous aborderons le potentiel de celle-ci et les usages en gestion de bâtiments dans la seconde partie de ce volet sur le BIM et l’exploitation maintenance.

Pour aller plus loin :

Qu’est ce que le format IFC ?

Qu’est ce que le format COBie ?

BIM : les systèmes de classification

Comment utiliser les systèmes de classification ?

Articles récents

Parcourir nos articles